Pour beaucoup d’apprentis guitaristes, les accords de guitare peuvent se résumer à des schémas de positions à placer tels quels sur le manche pour reproduire un son.
« C’est pas faux », comme dirait l’autre… Autrement dit, beaucoup n’y comprennent pas grand-chose ! Ce qui est dommage, car en réalité, maîtriser la construction des accords sur une guitare vous ouvre tout un monde de possibilités musicales :
- Construire à la volée n’importe quel accord partout sur le manche, même si vous n’avez jamais vu sa position auparavant
- Savoir quelles notes (gammes, arpèges) sonnent bien sur un accord ou une suite d’accords
- Comprendre ce qui produit le son des différents types d’accords (majeurs, mineurs, 7e, etc.)
- Etc.
Et, contrairement à ce que redoutent beaucoup de gratteux, le concept permettant de construire les accords à l’aide des intervalles est très simple à comprendre et à appliquer sur une guitare. Ce serait donc dommage que vous passiez à côté ! Alors, prêt à lever le voile sur le mystère de la construction des accords ?
Pourquoi savoir construire un accord à la guitare ?
J’ai bien conscience que pour beaucoup de gratteux, tout ce qui touche à la théorie musicale (et encore, je n’ai pas utilisé le mot-dont-on-ne-dit-pas-le-nom : « solfège ») dégage une aura rébarbative et a priori inutile. Après tout, en quoi comprendre l’harmonisation d’une gamme ou la composition d’un accord peut vous aider à rentrer des solos Blues-Rock endiablés à la Hendrix ou des plans de Steve Vai ?
Eh bien justement : prenons quelques minutes pour parler de tout ce que peut vous apporter la compréhension de la construction des accords à la guitare.
Bye-bye les dictionnaires d’accords !
Le premier avantage à comprendre la construction des accords à la guitare, c’est d’être capable de créer vous-même toutes les positions de n’importe quel accord, partout sur le manche.
Fini les dictionnaires d’accords et l’apprentissage fastidieux des schémas comme à vos débuts : c’est vous qui créez vous-même vos positions d’accords en fonction de vos besoins créatifs !
Bien entendu, rien ne vous empêche de retenir par cœur les positions que vous jouez le plus, mais ce n’est plus un prérequis pour être capable de jouer un accompagnement.
Sortir des sentiers battus
Quand je vous dis que comprendre la construction des accords vous permet de jouer n’importe quelle position, cela inclut les formes ouvertes et barrées habituelles, mais aussi celles :
- Jouées sur 3 ou 4 cordes (y compris uniquement sur les cordes graves ou médiums)
- Placées sur n’importe quelles cases du manche
- Construites avec des sauts de cordes
- Frappées à des endroits séparés du manche (en tapping)
Bref, des variantes assez peu répandues dans les dictionnaires d’accords habituels, mais parfaites pour laisser votre créativité s’exprimer à son plein potentiel !
Créer vos accords en jouant
Avec un peu de pratique, la gymnastique mentale vous permettant de créer vos positions d’accords se fait tellement vite que vous pourrez sans problème l’appliquer en temps réel pendant que vous jouez. C’est d’ailleurs exactement ce que font les accompagnateurs en Jazz.
Car, à moins que vous ayez une mémoire d’éléphant, il est extrêmement difficile de retenir les centaines de positions d’accords qu’il est nécessaire de pouvoir placer à la volée pour assurer des accompagnements dans un style improvisé et complexe comme le Jazz. Apprendre à les construire pendant que vous les jouez s’avère être une méthode bien plus simple et productive sur le long terme.
Trouver de nouvelles sonorités
Créer de nouvelles positions vous permet de trouver des sonorités originales : plus aiguës ou plus graves, ouvertes ou barrées, avec des sauts de corde, etc.
C’est un excellent moyen de varier les plaisirs sonores, d’avoir des idées qui se démarquent dans vos impros et vos compos, de trouver des secondes guitares qui sonnent et des adaptations pertinentes pour vos arrangements, etc.
Jouer les bonnes lignes mélodiques
Connaître la construction d’un accord vous permet de comprendre quels intervalles le composent, et quelles notes ajouter pour enrichir ses sonorités.
Autrement dit, cela vous indique quels arpèges ou quelles gammes utiliser pour écrire ou improviser des riffs ou des phrases mélodiques (intros, solos, lignes de chant, autres instruments, etc.) qui se marient parfaitement avec votre grille d’accords.
Ne plus avoir peur des noms d’accords
Lorsqu’on débute, on peut être effrayé par les noms d’accords complexes, du type « Cb7add9# ». Il faut avouer qu’au premier abord, cela ressemble plus à une insulte du capitaine Haddock qu’à un terme musical !
Ce que beaucoup ignorent, c’est que ces noms à rallonge sont au contraire là pour nous simplifier la vie : tous les intervalles qui constituent l’accord y sont indiqués. Si vous savez comment placer ces intervalles sur le manche (nous y reviendrons plus bas), il devient simple comme bonjour de créer une ou plusieurs variantes de positions pour cet accord.
C’est un peu comme si le nom d’une recette de cuisine vous indiquait tous les ingrédients qui la composent : « Délicieux, ce steak haché-cheddar-salade-tomate-sauce-non-identifiée-entre-deux-morceaux-de-pain-ronds !! »… Bon ok, c’est moins pratique en cuisine qu’en musique !
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Le principe des intervalles à la guitare
Pour comprendre la construction des accords à la guitare, et plus globalement toute la théorie musicale occidentale, il est nécessaire de savoir ce qu’est un intervalle et, par extension, ce que sont les degrés.
Un intervalle est la distance qui sépare deux notes. Elle s’exprime en tons et demi-tons.
On peut comparer cela à la distance entre deux objets, que l’on exprime en centimètres ou en mètres.
La différence est que chacune de ces distances est codifiée, autrement dit elle porte un nom permettant de l’identifier facilement. Voici la liste des intervalles contenus dans une octave, tous séparés les uns des autres d’un demi-ton (pour rappel, un demi-ton = une case sur le manche) :
Distance entre deux notes | Nom de l’intervalle | Notation |
1 demi-ton | Seconde mineure | b2 |
1 ton | Seconde majeure | 2 |
1 ton et demi | Tierce mineure | b3 |
2 tons | Tierce majeure | 3 |
2 tons et demi | Quarte juste | 4 |
3 tons | Quinte diminuée (également appelée quarte augmentée ou triton) | b5 (ou 4#) |
3 tons et demi | Quinte juste | 5 |
4 tons | Sixte mineure | b6 |
4 tons et demi | Sixte majeure | 6 |
5 tons | Septième mineure | b7 |
5 tons et demi | Septième majeure | 7 |
6 tons | Octave | F (il s’agit à nouveau de la fondamentale – la note de départ) ou 8 |
Les intervalles mineurs peuvent également se noter avec un « m », par exemple « 2m » pour la seconde mineure, et les intervalles majeurs avec un « M », par exemple « 2M » pour la seconde majeure.
Il existe d’autres intervalles plus grands (9e, 13e, etc.), mais nous en reparlerons dans un autre article.
Ces noms servent également à indiquer le son produit lorsqu’on joue ces deux notes de façon mélodique (l’une après l’autre) ou harmonique (en même temps). Par exemple, si on joue ensemble une note de Do et une note de Mi, séparées de 2 tons, on peut dire qu’on joue une tierce majeure.
Par extension, la seconde note peut être identifiée par le nom de l’intervalle qui la sépare de la première. Dans l’exemple ci-dessus, la note de Mi peut donc être appelée « tierce majeure de do ».
Cette notion est très importante en guitare, car c’est un instrument où il est facile de décaler des positions d’accords ou d’intervalles sans trop se soucier du nom des notes. Si vous connaissez le son et la position d’un intervalle, il devient extrêmement simple de le transposer à partir de n’importe quelle fondamentale.
La base de la construction des accords : l’empilement des tierces
Je ne rentrerai pas dans le détail de cette thématique ici, mais il me semble tout de même essentiel de mentionner rapidement cette notion fondatrice de notre système musical : pour construire un accord (à quelques exceptions près), on doit empiler des tierces.
Concrètement, cela signifie qu’on utilise une note sur deux de la gamme.
- Un accord à trois sons (triade) contient donc une fondamentale, une tierce et une quinte.
- Un accord à quatre sons (tétrade) contient une fondamentale, une tierce, une quinte et une septième.
Pourquoi empiler les tierces plutôt que les quintes, les quartes ou n’importe quel autre intervalle ? Tout simplement parce qu’il s’agit du son reconnu comme le plus consonant en occident, autrement dit la sonorité la plus agréable à l’oreille.
Comment construire un accord sur le manche ?
Il est assez simple de construire un accord sur un manche de la guitare. Cela se fait en 3 étapes.
1. Connaître les intervalles qui composent l’accord
Je vous donne les intervalles qui constituent les accords les plus utilisés dans la partie suivante de cet article.
2. Situer la fondamentale sur le manche.
Autrement dit, connaître votre manche. Pour rappel, la fondamentale d’un accord est la note qui lui donne son nom. C’est le même principe pour tous les accords, qu’ils soient basiques ou complexes.
Par exemple, la fondamentale d’un accord de Do est la note de Do ; la fondamentale d’un accord de Do septième neuvième augmentée (C7#9) est également une note de Do.
3. Placer les autres intervalles qui constituent l’accord.
Une fois que vous avez situé la fondamentale, il vous suffit de placer autour d’elle les intervalles qui constituent l’accord. À noter que si vous manquez de doigts ou si l’accord que vous voulez jouer contient trop de notes, vous pouvez enlever la quinte de l’accord.
C’est l’intervalle qui produit le son le plus neutre, et qui est donc le moins intéressant à faire sonner.
Construction des accords à la guitare les plus courants
Les accords majeurs
Les accords majeurs sont composés uniquement de 3 notes (c’est pourquoi on les appelle également « triades majeures ») :
- Une fondamentale (F), qui est la note pilier de l’accord. C’est en général la note la plus grave de l’accord, sauf dans le cas des renversements.
- Une tierce majeure (3), qui donne la couleur de l’accord, autrement dit son caractère majeur (joyeux, solaire, etc.)
- Une quinte juste (5), qui stabilise l’accord et lui donne du corps.
Aperçu d’un accord de Do majeur :
Les accords mineurs
Les accords mineurs sont eux aussi des triades. La seule différence avec un accord majeur est qu’ils contiennent une tierce mineure, d’où leur nom. Il s’agit de la note située un demi-ton (une case) plus grave que la tierce majeure.
Un accord mineur contient donc :
- Une fondamentale (F)
- Une tierce mineure (b3)
- Une quinte juste (5)
Aperçu d’un accord de La mineur :
Les accords sus2 / sus4
Les accords sus2 et sus4 sont des triades un peu bâtardes : elles sont bien constituées de trois notes, mais ne contiennent pas de tierce. Elles ne sont donc ni majeures ni mineures.
La tierce est alors remplacée par :
- La seconde majeure (2) – l’intervalle situé juste avant la tierce mineure – dans le cas d’un accord sus2
- La quarte juste (4) – l’intervalle situé juste après la tierce majeure – dans le cas d’un accord sus4
Dans les deux cas, l’absence de tierce produit une sonorité aérienne, planante, typique de cette famille d’accords. C’est probablement la raison pour laquelle on les qualifie de « suspendus », qu’on diminue généralement en « sus » à l’écrit.
Aperçu d’un accord de Ré sus4 :
Les accords 7
Les accords septième de dominante, ou septième, sont des tétrades : ils contiennent quatre notes.
Ils sont constitués :
- D’une fondamentale (F)
- D’une tierce majeure (3)
- D’une quinte juste (5)
- D’une septième mineure (b7)
Le fait de contenir à la fois une tierce majeure et une septième mineure leur donne une sonorité légèrement dissonante, typique du Blues, un style entièrement basé sur les accords 7e.
Aperçu d’un accord de Mi 7 :
Les accords 7e mineur
Un accord 7e mineur, ou mineur 7, est un accord mineur auquel on a ajouté une septième mineure.
Il contient donc :
- Une fondamentale (F)
- Une tierce mineure (b3)
- Une quinte juste (5)
- Une septième mineure (b7)
Sa sonorité, un peu plus jazzy qu’un accord mineur classique, est très appréciée en Jazz, en Soul, en Funk ou encore en Blues mineur.
Aperçu d’un accord de Ré mineur 7 :
Les accords 7e majeur
L’accord majeur 7, qu’on écrit également 7e majeur, 7M ou encore Δ, contient :
- Une fondamentale (F)
- Une tierce majeure (3)
- Une quinte juste (5)
- Une septième majeure (7)
Attention à ne pas le confondre avec l’accord septième de dominante ; contrairement à ce dernier, sa septième est majeure, ce qui ajoute encore de la douceur et de la chaleur à la sonorité de la triade majeure. Il est très utilisé en Jazz, en Bossa, en Soul, en Neo-Soul, bref dans les styles très « smooth ».
Aperçu d’un accord de La majeur 7 :
Les autres types d’accords
Je ne vais pas lister ici tous les types d’accords qui existent, car cela rendrait ce guide long et fastidieux à lire. Nous verrons donc dans un prochain article les accords enrichis (9e, 11e, 13e) et altérés (#5, b5, #2, etc.).
Bien qu’ils soient relativement peu utilisés, je vais par contre vous parler rapidement des accords augmentés et diminués, afin de clôturer le sujet des triades.
Accords augmentés
Un accord augmenté est une triade majeure dont on a décalé la quinte d’un demi-ton vers les aigus. Sa composition est donc :
- Une fondamentale (F)
- Une tierce majeure (3)
- Une quinte augmentée (#5)
Accords diminués
Un accord diminué est quant à lui une triade mineure dont on a altéré la quinte en la décalant d’un demi-ton vers les graves. Il contient donc :
- Une fondamentale (F)
- Une tierce mineure (b3)
- Une quinte diminuée (b5)
Tableau récapitulatif
Voici un petit pense-bête qui récapitule toutes les formules d’accords que l’on vient de voir :
Type d’accord | Notation(s) | Composition |
Majeur | Aucun, M | F 3 5 |
Mineur | m, – | F b3 5 |
Augmenté | aug, #5 | F 3 #5 |
Diminué | dim, mb5 | F b3 b5 |
Suspendu à la seconde | sus2 | F 2 5 |
Suspendu à la quarte | sus4 | F 4 5 |
Septième de dominante | 7 | F 3 5 b7 |
Septième mineur | m7 | F b3 5 b7 |
Septième majeur | M7, Δ | F 3 5 7 |
Comprendre le fonctionnement du manche de guitare
Fonctionnement des intervalles entre les cordes
Pour ceux qui ne les ont pas déjà en tête, voici un rappel des intervalles qui séparent les notes jouées à vide par chacune des cordes de la guitare :
Toutes les cordes de guitare sont séparées par un intervalle de quarte (2 tons et demi), sauf les cordes de Sol et de Si qui sont séparées d’un intervalle de tierce majeure (2 tons).
Cette info, très simple à retenir, est très utile pour repérer les intervalles entre deux notes jouées sur deux cordes différentes.
Les principales formes d’intervalles en bref
Voici les principales positions d’intervalles sur le manche d’une guitare :
Exercices pour construire des accords
Maintenant que vous êtes à l’aise avec la composition des accords et les positions d’intervalles sur le manche, mettons tout cela en application.
Trouver des accords sur le manche
Choisissez un nom d’accord (Do dièse mineur, Mi mineur 7, etc.) et construisez-le sur le manche en suivant ces trois étapes :
- Trouvez la fondamentale sur une des deux cordes graves
- Identifiez les intervalles qui composent l’accord
- Placez les notes de l’accord sur le manche en utilisant les positions d’intervalles
Analyser des accords existants
Il s’agit cette fois de faire la démarche inverse : prenez une position d’accord au hasard dans un dictionnaire d’accord ou un morceau, repérez ensuite sa fondamentale et les intervalles qui le composent, et déduisez-en son nom.
Cette démarche vous sera très utile pour savoir sur quels arpèges et gammes composer ou improviser afin de créer une ligne mélodique par-dessus une grille d’accords.
Vos questions
Quelles sont les différences entre un accord mineur et un accord majeur ?
La différence entre ces deux accords est la nature de leur tierce : un accord mineur contient une tierce mineure, alors qu’un accord majeur contient une tierce majeure.
De combien de notes est composé un accord de guitare ?
Un accord, peu importe l’instrument sur lequel il est joué, doit contenir au minimum 3 notes.
Il existe cependant à la guitare un cas un peu particulier : les power chords, ou accords de quinte, composés uniquement d’une fondamentale (souvent doublée à l’octave) et d’une quinte.
Il ne s’agit donc pas d’un accord dans les règles de l’art, plutôt d’un intervalle. Mais cette forme est tellement utilisée en guitare moderne (notamment en Rock, Hard Rock, Métal), que les gratteux ont tendance à le considérer comme un accord à part entière.
Conclusion
Comme vous avez pu le constater au fil de cet article, comprendre comment fonctionne la construction des accords à la guitare est finalement assez simple. Il suffit de maîtriser 3 éléments clés – identifier une fondamentale sur le manche, connaître les intervalles des différents types d’accord et savoir les placer – et de les appliquer sur votre gratte.
Cette gymnastique mentale demande un peu d’entraînement au début, mais je vous encourage vraiment à vous y exercer. Cela vous ouvrira énormément de possibilités dans tous les aspects créatifs de votre jeu, que ce soit la composition, l’improvisation ou les arrangements, et vous évitera d’avoir à retenir par cœur des dizaines et des dizaines de positions d’accords !