Né dans le sud des États-Unis à la fin du 19e siècle, le Blues est à la guitare moderne ce que les fondations sont à une maison : la base sur laquelle tout a été construit ! Rock, Funk, Variété, Jazz, Métal… La quasi-totalité des styles actuels ont été influencés par ce courant musical devenu une référence.
Très fortement centré sur la guitare, il a naturellement contribué à la mise en avant de la six cordes et au développement des techniques typiques de l’instrument comme le bend, le slide, les hammers ou les rythmiques en shuffle. Cela en fait un style indispensable à étudier pour améliorer votre jeu, aussi bien sur acoustique que sur électrique.
Mais par où commencer ? Accords, rythmique, gammes, structure harmonique : dans cet article complet, je vous explique toutes les bases pour bien apprendre le Blues à la guitare et vous lancer facilement dans ce style incontournable !
Les prérequis pour pouvoir jouer du Blues à la guitare
Avant de vous lancer dans l’étude du Blues, je vous conseille de prendre d’abord le temps d’intégrer de bonnes bases généralistes à la guitare :
- Travailler la synchronisation de vos deux mains avec des exercices techniques comme les déliateurs
- Apprendre les accords majeurs et mineurs de base, voire les barrés
- Bosser les enchaînements d’accords
- Intégrer quelques rythmiques et être capable de les jouer sur un tempo défini
- Savoir faire quelques effets de jeu comme les slides, les hammers et les pull-offs.
- Bosser quelques riffs de guitare
Vous pourrez ainsi directement jouer du Blues dès que vous vous y mettrez, sans buter toutes les 3 notes sur un souci technique à surmonter.
Les accords Blues
J’ai une excellente nouvelle pour tous les gratteux traumatisés par leurs premiers mois de guitare à batailler avec les changements d’accords : il y a peu d’accords à connaître pour jouer Blues.
Bien sûr, on peut toujours ajouter de nouvelles sonorités en enrichissant les accords, notamment lorsqu’on se penche sur des sous-genres comme le BlueFunk, le Rhythm and Blues ou le Bluejazz, mais un bon vieux Blues de base est construit presque exclusivement sur une seule famille d’accord : les accords 7e.
Les accords septième de dominante
Les accords septième de dominante, appelés aussi accords septième ou accords 7, font partie intégrante du son du Blues. Pour rappel, ils sont construits en ajoutant une septième mineure à un accord majeur, lui-même composé d’une fondamentale, une tierce majeure et une quinte. C’est le « frottement » de la tierce majeure et de la septième mineure qui donne la dissonance typique du Blues.
Les accords 7e sont considérés comme les accords majeurs du Blues, on y joue rarement des accords majeurs de base, à la sonorité un peu trop « plate » pour ce style.
Les accords mineurs
Il existe de nombreux morceaux de Blues mineurs, dont le plus célèbre est probablement « The thrill is gone » de B.B. King. Si vous ne le connaissez pas, allez vite écouter cette merveille d’émotion et de finesse guitaristique dès que vous aurez achevé la lecture de cet article !
Le Blues mineur est construit (attention, spoiler !) sur des accords mineurs. Ils sont souvent enrichis en accords mineurs 7, qui apportent une sonorité un peu plus mélancolique et légèrement jazzy.
Les accords majeurs
Je vous vois venir : j’ai effectivement dit qu’on ne joue en général pas d’accords majeurs de base en Blues. Mais le principe du Blues, c’est de ne suivre aucune règle harmonique gravée dans le marbre !
Il arrive donc que les guitaristes glissent un accord majeur au milieu de leur grille Blues. B.B. King en cale ainsi deux à la fin de la grille de « The thrill is gone », un morceau pourtant mineur, c’est pour dire.
Les accords majeurs, et même les accords de quinte (powerchords) sont également fréquemment utilisés en Blues-Rock pour donner un rendu sonore plus puissant et plus moderne qu’une grille uniquement composée d’accords 7e.
Le Rythme Blues
Le shuffle
Le rythme « shuffle » est une autre composante typique du Blues. On l’appelle aussi « rythme ternaire », ou « swing ». Il consiste à retarder légèrement la seconde note d’un groupe de deux croches. On peut également voir cela comme jouer uniquement la première et la troisième note d’un triolet de croches. C’est pourquoi la notation qui le représente au début d’une partition est :
Si vous ne voyez pas de quoi je parle, écoutez la version des Blues Brothers de « Sweet home Chicago » : concentrez-vous sur la guitare rythmique, la basse ou le charley, et vous ressentirez clairement le feeling du shuffle.
Ce type de rythme peut se jouer uniquement en allers (coups de médiator vers le bas) ou en allers-retours (coups de médiator alternés vers le haut et le vers le bas).
Le rythme binaire
Même si l’écrasante majorité des morceaux Blues sont construits en shuffle, certains sont tout de même joués en rythme binaire : comme je l’ai déjà dit, rien n’est interdit en Blues ! Basé sur 4 temps, il donne un ressenti plus carré que le ternaire, et est principalement utilisé en Blues-Rock.
Pour entendre un exemple très parlant d’un rythme binaire (bien que ce ne soit pas du Blues), écoutez la batterie du morceau « Highway to hell » d’ACDC. Difficile de sonner plus binaire !
La grille Blues et les degrés
Contrairement aux autres styles musicaux, le Blues n’est pas uniquement défini par ses sonorités : il impose également une structure harmonique. Autrement dit, l’enchaînement des accords et leur durée sont codifiés, même si on peut toujours prendre quelques libertés.
C’est pour cela qu’on peut jammer entre musiciens sans jouer un morceau précis, simplement en se disant : « On se joue un Blues en La ? ». Cela signifie : jouons une structure Blues (ou « grille Blues ») avec comme point de départ un accord de La 7e.
Les degrés I, IV et V
Une grille Blues est constituée uniquement des accords 7e construits à partir des degrés I, IV et V d’une tonalité. Pour reprendre l’exemple précédent, un Blues en La sera donc joué avec les accords La 7e, Ré 7e et Mi 7e. Un Blues en Mi serait quant à lui joué avec les accords de Mi 7e, La 7e et Si 7e. Et ainsi de suite dans n’importe quelle tonalité.
La grille de 12 mesures
Une fois que vous connaissez les accords I, IV et V de votre tonalité, il vous suffit de les enchaîner dans l’ordre prédéfini par la grille Blues :
I | I | I | I |
IV | IV | I | I |
V | IV | I | I (ou V) |
Il existe évidemment des variantes de cette grille de base, comme le « quick change » (qui consiste à remplacer l’accord 1 de la seconde mesure par l’accord IV) ou les grilles de 8 ou 16 mesures, mais nous en parlerons plus en profondeur dans un prochain article.
Les tonalités les plus fréquentes
Il est possible de jouer une grille Blues dans n’importe quelle tonalité. On retrouve néanmoins très souvent les tonalités de Mi et de La, qui se prêtent particulièrement bien au jeu guitaristique : elles permettent en effet de profiter des 3 cordes basses de la guitare à vide, à savoir le Mi, le La et le Ré :
ACCORDS | TONALITÉ DE MI | TONALITÉ DE LA |
I | Mi | La |
IV | La | Ré |
V | Si | Mi |
Il également assez fréquent de jouer des morceaux en Si bémol, une tonalité appréciée par les cuivres, souvent présents dans les formations de Chicago Blues.
Les meilleures formations pour apprendre le Blues à la guitare
Les principales gammes Blues
La Gamme pentatonique
La gamme pentatonique est intimement associée au Blues. Ou plutôt, 3 gammes pentatoniques : la pentatonique mineure, la pentatonique Blues et la pentatonique majeure.
La gamme pentatonique mineure
La gamme pentatonique mineure est une valeur sûre en Blues : jouée dans la tonalité du morceau, elle sonne sur tous les accords de la grille. Pas besoin donc de trop vous prendre la tête sur les changements d’accords, il vous suffit de dérouler votre chorus en improvisant sur les positions de penta mineure, et vous ferez mouche !
La gamme pentatonique Blues
La gamme pentatonique Blues est, comme son nom l’indique, la gamme par excellence pour sonner Blues. Il s’agit tout simplement de la gamme pentatonique mineure à laquelle on ajoute la quinte bémol, également appelée quinte diminuée ou Blue note, qui apporte une dissonance particulièrement appréciée dans ce style.
Si on veut être tatillons, la penta Blues est donc en réalité une gamme hexatonique (contenant six notes). Mais elle est jouée comme une extension de la penta mineure, et est donc considérée comme faisant partie de la famille des gammes pentatoniques.
La gamme pentatonique majeure
Souvent sous-utilisée, la gamme pentatonique majeure est pourtant fréquemment jouée en Blues pour apporter un son plus chaud, plus doux que sa cousine mineure. B.B. King, parmi d’autres, est célèbre pour son jeu mélangeant habilement penta majeure et penta mineure.
Attention toutefois : si la penta majeure de la tonalité fonctionne très bien sur les accords I et V, il ne faut surtout pas la jouer par-dessus l’accord IV : trop de dissonance tue la dissonance ! Il vous faut donc revenir sur la penta mineure ou la penta Blues de la tonalité lorsque l’accord IV est joué dans l’accompagnement.
Mode mixolydien et gamme Mixoblues
Pour disposer d’un peu plus de notes et tirer vos solos Blues vers des sonorités plus Bluejazz, n’hésitez pas à enrichir votre pentatonique majeure en jouant le mode mixolydien sur les accords I et V. Pour un rendu encore plus jazzy, vous pouvez également jouer les modes mixolydiens des tonalités de chaque accord de la grille. Sur un Blues en La, cela donnerait :
- Mode mixolydien de La sur le La 7 (accord I)
- Mode mixolydien de Ré sur le Ré 7 (accord IV)
- Mode mixolydien de Mi sur le Mi 7 (accord V)
Il est très courant en Blues de mixer les notes de la penta Blues et du mode mixolydien. Ce concept est appelé gamme Mixoblues. Il faut toutefois un peu de pratique pour placer les bonnes notes au bon moment sur cette gamme, notamment les tierces majeure et mineure.
J’aurais bien évidemment pu citer d’autres gammes, comme le mode Dorien ou la gamme mineure harmonique, mais nous y reviendrons plus en détail dans un prochain article.
Les techniques de jeu pour le Blues
Les bends
Les bends sont incontournables en solo Blues ! Ils simulent le son des glissés du bottleneck, un accessoire clé aux origines du Blues (Mississipi Blues). Travaillez bien la justesse de vos notes bendées, les vibratos en fin de bend et les différentes variantes de bends pour ajouter un maximum d’expressivité dans vos chorus.
Le vibrato
Si vous voulez mettre de l’émotion dans votre jeu, il est indispensable de maîtriser les vibratos. Entraînez-vous à les réaliser en rythme et avec différentes intensités, pour pouvoir les adapter à l’ambiance de chaque morceau.
Le slide
La technique du slide se rapproche elle aussi du son d’un bottleneck, et permet de réaliser des démanchés très musicaux entre vos positions de gamme.
Le hammer et le pull-off
Réaliser des hammers et des pull-offs vous offre la possibilité de varier le son de vos lignes mélodiques, et de jouer des phrases rapides plus facilement qu’en allers-retours. Faites cependant attention à garder un volume sonore équivalent à celui de vos notes grattées lorsque vous frappez ou tirez vos cordes.
Le palm mute
Technique consistant à légèrement étouffer les notes en touchant vos cordes avec la paume de votre main droite, le palm mute est fréquemment utilisé en rythmique Blues pour renforcer l’effet saccadé des shuffles.
Conseils pour s’entraîner et progresser dans la pratique du Blues
Au-delà de pratiquer régulièrement, mes conseils sont souvent les mêmes quand il s’agit d’apprendre un style musical : en écouter un maximum et connaître les standards du genre.
Guitaristes Blues à écouter
Voici quelques suggestions de Bluesmen références à absolument ajouter à vos playlists :
- Robert Johnson
- Muddy Waters
- Son House
- T-Bone Walker
- B.B. King
- Albert King
- Freddie King
- Buddy Guy
- Éric Clapton
- Joe Bonamassa
- Stevie Ray Vaughan
Standards Blues à apprendre
Je vous invite à apprendre les grilles et à écouter différentes versions des morceaux de cette liste non exhaustive de standards Blues :
- Love in Vain
- Sweet home chicago
- The thrill is gone
- Ain’t nobody’s business
- Baby please don’t go
- Born under a bad sign
- Catfish Blues
- Death letter
- Killing floor
- Mannish boy
- Red house
- Rock me baby
Le matériel pour jouer du Blues
Jouer du Blues électrique
Pour jouer du Blues électrique, vous devez avoir :
- Une guitare : les guitares typées Stratocaster, Telecaster, Les Paul et ES sont les plus couramment utilisées en Blues. Bien entendu, le prix dépendra de la qualité que vous souhaitez vous offrir. Je vous invite à lire le guide d’achat Meilleure guitare électrique pour vous aider à trouver la six cordes idéale pour vous.
- Un ampli : favorisez les amplis aux sonorités classiques et proposant un bon son clair et légèrement crunché, comme un Fender ou un Vox. Pour en savoir plus, rendez-vous sur l’article sur comment choisir son ampli.
- Des accessoires : un câble jack, des médiators, éventuellement un bottleneck si le jeu en slide vous inspire !
- Quelques pédales d’effets : le Blues est un style assez peu gourmand en effets. Toutefois, si votre ampli n’en propose pas, une bonne reverb et un overdrive seront toujours utiles pour embellir et varier votre son.
Jouer du Blues acoustique
Comme tous les styles unplugged, le Blues acoustique demande peu de matériel :
- Une guitare Folk, acoustique ou électro-acoustique.
- Des médiators, même s’il est tout à fait possible de jouer du Blues acoustique uniquement aux doigts.
- Un bottleneck, si vous souhaitez jouer les vieux standards glissés du Delta Blues.
Vos questions
Quelle guitare faut-il pour jouer du blues ?
Vous pouvez jouer du Blues sur tout type de guitare, électrique, folk ou nylon. Les folks sont toutefois particulièrement appréciées pour jouer du Blues acoustique, avec les sonorités claquantes de leurs cordes en métal rappelant les dobros et grattes des premiers Bluesmen à la Robert Johnson.
En électrique, là encore tout fonctionne, mais pour un son fidèle au style, privilégiez les formats classiques typés Fender et Gibson, équipés de micros passifs (Les Paul, SG, ES, Statocaster, Telecaster, etc.).
Comment improviser sur une grille Blues ?
Cette thématique mérite un article à part entière, mais voici trois pistes d’improvisation très efficaces en Blues.
L’improvisation tonale : utilisez la penta mineure ou la penta Blues de la tonalité du morceau sur l’ensemble de la grille.
L’improvisation modale : grattez les notes de l’arpège 7e, de la penta majeure ou du mode mixolydien correspondant à chaque accord joué dans l’accompagnement.
L’improvisation… Blues !
Jouez la penta majeure de la tona sur l’accord I et l’accord V, et la penta Blues de la tona sur l’accord IV.
Conclusion
Le Blues est un genre assez intuitif à apprendre, qui ne demande pas forcément de longues heures de pratique technique ou de bachotage harmonique.
C’est par contre un style assez codifié, qui répond à ses propres règles (et ne se prive pas de les transgresser) et sonorités tout en laissant une grande place à l’expressivité et l’émotion. Prenez donc le temps d’écouter beaucoup de Blues et de vous pencher sur les différentes thématiques de cet article, pour bien vous mettre le sujet dans l’oreille et dans les doigts !
Alors, prêt à apprendre le Blues à la guitare ? Si vous avez des questions ou des demandes de précisions, n’hésitez pas à me les poser en commentaire !
Quel taf !! merci Adrien, pour tout ce savoir que tu « met » à disposition
j’ai maintenant le temps d’apprendre à jouer, et donc j’apprends, un grand Blusman que j’ai vu au festival du Glanvez à Loperet … Luther Allison … et n’oublions pas mister Rory Gallaguer … Bruno, un Breton … Kenavo !!!
Merci pour le retour, ça fait plaisir 🙂
Bel article, merci beaucoup.🎸
Au début, je pensais que c’était juste un article aguicheur et assez bref dans le but de placer des produits, mais j’ai été agréablement surpris de voir que cet article était riche et intéressant.🤩
Merci Adrien, good job👍
Merci pour le retour 🙂
Merci Adrien pour cet article qui serait quasi complet si on citais aussi dans les meilleures formations celles de Laurent Rousseau (https://www.oreille-moderne.com/toutes-ressources/), entre les ressources gratuites du site (pdf des vidéos YT) les cours et abonnement Premium (fichiers Guitar Pro des vidéo YT) c’est un approche différente de celle de My Guitare.
Je suis membre Méga-Ultime chez My Guitare ET AUSSI membre Premium chez LR, ce qui ne m’empêche pas de picorer aussi de temps en temps chez HGuitare 😉
Merci Adrien, tes articles sont parfait et très bien documentés, j’apprends énormément en les lisant
Merci pour le commentaire Christophe 😉